Décrocheurs de portrait en cassation : la légitimité de leur action en débat
Paris, 23 juin 2021. Alors que le GIEC vient de publier un rapport sur le climat encore plus alarmant que les précédents, la Cour de cassation doit statuer sur l’action de 16 militants d’Action non-violente COP21 qui ont décroché le portrait d’Emmanuel Macron dans des mairies. Leur action est-elle légitime au nom de l’état de nécessité ou de la liberté d’expression ? La décision de la Cour sera rendue le 22 septembre prochain.
Après les procès en première instance – dont la relaxe historique de Lyon – et en appel, le sort de 16 militants climat passe désormais entre les mains de la Cour de cassation. En effet, ce mercredi 23 juin, la juridiction la plus élevée de France étudie leur condamnation par les cours d’appel de Bordeaux et de Lyon pour avoir décroché le portrait du président de la République [1].
Audience inédite en cassation pour des décrocheurs de portraits
À 10h30, l’audience a commencé en séance plénière, en présence de douze juges. L’avocat au Conseil, maître Paul Mathonnet, a plaidé pour contester les condamnations des décrocheurs, alors que l’état de nécessité et la liberté d’expression sont justifiés selon lui. « L’inaction de l’État entraîne une oppression : la situation des citoyens est celle d’une prise d’otage : les citoyens font des sacrifices, mais même avec tous les efforts possibles, le système les empêche de se soustraire à la menace du dérèglement climatique ».
Une partie du débat a porté sur la liberté d’expression : selon l’avocate générale (représentante du parquet), elle ne doit s’appliquer qu’à des infractions d’expression, et non d’acte. L’avocat au Conseil a défendu que dans le cas des décrochages de portrait, l’acte est indissociable du message. « Dans notre affaire, le portrait symbolise l’État, et le vol symbolise la pression que nous devons mettre sur l’État pour qu’il respecte ses engagements. L’infraction fait corps avec le message. ».
La Cour de cassation rendra sa décision le 22 septembre 2021.
Du soutien pour les décrocheurs
Avant l’audience, une conférence de presse a eu lieu place Dauphine pour donner la parole à trois décrocheurs ainsi qu’à Cécile Duflot, directrice générale d’OXFAM et porteuse de l’Affaire du Siècle, Juliette Mignot, océanographe et Isabelle Robichon, membre de la Convention citoyenne pour le climat. Cette dernière s’indigne : « Les États ne tiennent pas leurs promesses et se moquent des citoyens. Aujourd’hui il faut inverser le rapport de force en faveur des citoyens. Nous devons considérer les décrocheurs comme des lanceurs d’alerte ! »
Vincent Versluys, décrocheur du Beaujolais, ajoute que « pour se révolter il n’est jamais trop tard ni trop tôt ». Pour Cécile Duflot, « Le rôle de l’État […] est essentiel. Cette interpellation est un acte politique, nécessaire. Chacun est face à sa responsabilité, des citoyens et citoyennes les prennent, aux magistrats de les prendre maintenant. »
La désobéissance civile en procès toute la semaine
Dans la semaine qui vient, trois autres procès pour des actions de désobéissance civile ont lieu en une semaine :
Jeudi 24 juin à Bobigny, procès de cinq personnes qui ont marché sur l’aéroport de Roissy le 3 octobre 2020.
Mardi 29 juin à Valence, 34 militants de Greenpeace seront jugés pour s’être introduits dans une centrale nucléaire afin de dénoncer sa prolongation au-delà des 40 ans initialement prévus.
Mercredi 30 juin à Grenoble, les trois décrocheuses de portraits relaxées à Valence le 13 novembre dernier seront auditionnées en cour d’appel.
[1] Mardi 22 juin, ANV-COP21 avait publié sur Médiapart le récit de la campagne de décrochages de portraits et la contribution de ces procès au débat de société, jusque dans le milieu de la magistrature.
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