Vents contraires sur l’aviation : retour sur les mobilisations du 3 octobre
Marches, vélorutions, rassemblements, intrusions sur les tarmacs : ce samedi 3 octobre 2020, nous étions 2 000 personnes mobilisées partout en France ! De Toulouse à Besançon, de Lille à Marseille en passant par Clermont-Ferrand, dix-neuf aéroports étaient ciblés. Alors que le dérèglement climatique menace les conditions de vie décentes sur terre, nous n’avons pas le choix : pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France, il faut notamment réduire le trafic aérien, et préparer dès maintenant la reconversion du secteur avec les salarié·es.
Les extensions d’aéroports, grands projets inutiles
Amorcer la réduction du trafic aérien, c’est déjà arrêter d’agrandir les infrastructures : construction du terminal T4 à Roissy, extension du terminal 1 à Marseille, allongement de la piste à Caen, des extensions en pagaille à Nantes, Lille, Nice ou Mulhouse : ces projets n’ont pas lieu d’être et ont été pointés du doigt lors des mobilisations du 3 octobre.
À Roissy, les 350 participant·es ont frappé un grand coup pour marquer les esprits : dès 9h, 87 personnes ont pénétré sur le tarmac et perturbé le décollage d’un avion. Au même moment, une partie des participant·es se rassemblait dans un des terminaux de l’aéroport. 130 personnes, dont 5 journalistes et 5 scientifiques, ont été interpellées et ont passé la journée en garde à vue avant d’être pour la plupart libérées dans la nuit.
À Marseille, la contestation s’est concentrée sur l’enquête publique en cours : prises de parole dans le hall de l’aéroport, déploiement de banderoles et lâcher d’avions en papier contenant les informations relatives à l’enquête publique. Les citoyen·nes ont été invité·es à se positionner en répondant à l’enquête publique pour montrer qu’un tel projet n’a pas lieu d’être.
À Caen, c’est une vélorution qui s’est élancée à destination de l’aéroport.
Si la mobilisation a dû être annulée à Nice en raison d’une météo désastreuse, le collectif en lutte contre l’extension de l’aéroport a tenu à déployer une banderole pour appeler la population à se mobiliser massivement autour du procès à venir pour l’annulation du permis de construire délivré pour le projet.
À Mulhouse, le collectif de riverain·es contre les nuisances de l’aéroport Bâle-Mulhouse a conduit une marche rassemblant plus de 300 personnes pour dénoncer le projet d’extension.
Die-in dans l’aéroport, marche : à Nantes, l’abandon de Notre-Dame-des-Landes ne rend pas acceptable pour autant l’agrandissement de l’aéroport Nantes-Atlantique. Les membres du GIGNV se sont allongé·es devant la salle d’embarquement du vol Nantes-Paris dont la distance peut être parcourue en 2 heures de train.
À Lille, la vélorution et la marche initialement prévues se sont transformées en un rassemblement des porte-paroles des organisations mobilisées. Le contexte sanitaire nous oblige à repenser nos actions en fonction des contextes locaux mais ne réussira pas à nous bâillonner.
Réinventer nos loisirs et nos voyages
Penser la réduction du trafic aérien, c’est aussi planifier la fermeture des lignes intérieures facilement remplaçables par des alternatives en train.
À Montpellier, une centaine de personnes ont marché en direction de l’aéroport munies de valises symbolisant les 85,1 kg de CO₂ émis par passager pour le vol Paris-Montpellier.
À Mérignac, une marche et une vélorution ont eu lieu pour demander l’abandon des lignes substituables en train. En parallèle, 7 personnes ont été placées en garde à vue pour avoir tenté de s’introduire sur la piste de l’aéroport ; elles ont pu ressortir peu après 21h.
La question de l’aviation de loisirs a également été posée à l’aérodrome de Gap-Tallard par les manifestant·es : faut-il encore faire voler des avions pour le plaisir de sauter en parachute ? La question semble encore loin de faire l’unanimité : une contre-manifestation a été organisée par l’association pour la promotion du sport automobile…
Repenser nos mobilités, c’est enfin revoir l’affectation des budgets qui y sont consacrés. Villes, conseils départementaux et régionaux, chambres de commerce et d’industrie contribuent largement à ce que les aéroports puissent continuer à tourner, bien qu’étant largement déficitaires.
À Tours, Besançon, Chambéry, Montpellier et Clermont-Ferrand, les citoyen·nes se sont rassemblé·es, ont marché ou roulé pour exiger la fin des subventions à ces infrastructures et la réaffectation de cet argent public dans les mobilités douces. D’autres manières de voyager sont envisageables et n’attendent que des décisions politiques ambitieuses pour être mises en place : la réhabilitation du train de nuit nécessaire pour compléter le développement du réseau ferroviaire de transport de passagers et de fret, mais aussi la redynamisation du tourisme local sont des perspectives pour envisager d’autres manières de voyager désirables.
Justice climatique, justice sociale : même combat
Dès le lancement de l’appel à marcher sur les aéroports, un dialogue a été ouvert avec les syndicats du secteur de l’aérien, au niveau national comme dans les collectifs locaux. Les tables rondes portant sur le virage à prendre pour l’aviation, auxquelles ont participé des membres du mouvement climat, des scientifiques et des membres de la CGT et de Sud Aérien sont à retrouver en ligne (ici et là). Des membres des syndicats ont rejoint les mobilisations avec la CGT Airbus à Toulouse et Solidaires à l’aéroport Dole-Tavaux (Jura). La reconversion des salarié·es du secteur aérien doit être pensée dès maintenant, avec les personnes concernées et repenser nos territoires et la répartition des emplois.
Interdiction de la construction de nouveaux aéroports et de l’extension des aéroports existants, suppression des vols sur les trajets où il existe une alternative en moins de 4 heures : ces propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat pour “limiter les effets néfastes du trafic aérien” ont été portées lors des actions par plusieurs de ses membres qui ont pris la parole, à Nantes et à Marseille. Ces propositions, qu’Emmanuel Macron s’était engagé à reprendre sans filtre, sont pourtant remises en question par le gouvernement.
Cette journée de mobilisation nationale sur la thématique de l’aviation et du climat, inédite par son ampleur, a montré que le débat sur l’utilisation de l’avion est à mener maintenant. Le Covid-19 a cloué les avions au sol et entraîné une réduction forcée et drastique du trafic aérien, entraînant des répercussions humaines dramatiques. C’est maintenant, au cœur de la crise sanitaire, que nous devons choisir quelle société nous voulons faire advenir, quel avenir nous préparons pour les générations futures et dans quelles conditions nous souhaitons vivre toutes et tous maintenant.
Ce n’est donc pas fini, loin de là. Pour chaque aéroport, les demandes doivent continuer d’être portées ; le gouvernement, les conseils régionaux doivent être interpellés et confrontés à l’évidence ; le débat public doit se tenir. Poursuivons nos efforts, amplifions la contestation, passons le message et invitons nos proches à faire entendre leur voix.
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- 4 octobre 2020