Procès des activistes #AvionsATerre à Bordeaux - Crédit photo : Maurice Lafaye
Procès des activistes #AvionsATerre à Bordeaux - Crédit photo : Maurice Lafaye

Réduction du trafic aérien : procès pour 7 militant·es à Bordeaux

Forte mobilisation à Bordeaux et 500€ d’amende avec sursis pour les 7 militants climat demandant la réduction du trafic aérien

Lundi 22 Février – Les 7 militants d’ANV-COP21 Gironde et d’Extinction Rebellion Bordeaux ont comparu à 18h45 devant le Tribunal Judiciaire de Bordeaux pour “entrave à la circulation d’un aéronef”. Le procureur a requis 500€ d’amende avec sursis. Arrêtés le 3 octobre dernier sur le tarmac de l’aéroport Bordeaux-Mérignac pendant une action de désobéissance civile non-violente, les prévenus risquaient jusqu’à 5 ans de prison et 18 000€ d’amende. Ils avaient agi dans le cadre de la journée d’action nationale “Marchons sur les aéroports”, qui visait à pointer du doigt l’impact climatique du secteur aérien et avaient rassemblé plus de 2000 personnes dans 18 mobilisations en France.

 

 

Après une heure quarante-cinq d’audience, le procureur a requis 500€ d’amende avec sursis. Le verdict sera rendu le 29 mars 2021.

De nombreux citoyens et citoyennes se sont rassemblés ce lundi 22 janvier à partir de 12h30 sur le parvis du Tribunal Judiciaire de Bordeaux pour soutenir Alexandra, Amilcar, Gaëtan, Juliette, Lucie, Marie-Alexandra et Thomas, avant leur procès. Plusieurs soutiens et personnalités ont été invités à prendre la parole, introduits par Charlène Fleury, porte-parole Alternatiba et ANV-COP21. Parmi eux : Didier Swingedouw, directeur de recherche au CNRS et témoin au procès, François-Joseph Grimault, co-fondateur de Résistance Climatique, Stéphanie Mariette, chercheuse et Membre du Collectif Scientifiques en Rébellion Bordeaux ou bien encore Loïc Prud’homme, député de la troisième circonscription de la Gironde (LFI), mobilisé contre les projets artificialisation des sols comme les agrandissements d’aéroports et de plateformes logistiques. Camille Blot, prévenue suite aux mobilisations sur le tarmac de Roissy le 3 octobre, était également présente pour apporter leur soutien aux militants bordelais.

D’autres soutiens de poids s’étaient déclarés à l’approche du procès. ATECOPOL, l’Atelier d’Écologie Politique de Toulouse, regroupant près de 150 scientifiques, a rédigé une note d’information versée au dossier [1] dans laquelle il motive l’action des militants bordelais au vu de l’urgence climatique et de l’enjeu de survie de notre espèce. Le collectif ICARE, constitué de salariés du secteur aéronautique conscients de la nécessité impérative pour le secteur aérien d’effectuer un virage à 180° a, quant à lui, loué le caractère éthique et responsable vis-à vis des générations futures de ces activistes écologiques au service de l’intérêt général, assimilant même cette action à la défense d’un des principes fondateurs du développement durable défini en 1987 par l’Organisation des Nations Unies [2]. Enfin, Scientifiques en Rébellion Bordeaux, groupe de chercheurs issus de domaines variés et signataires de l’appel à la désobéissance civile du 20 février 2020, était présent à la mobilisation, faisant suite au soutien déjà apporté lors de la marche en direction de l’aéroport le 3 octobre.

Souhaitant rappeler avec humour les revendications portées par leurs collectifs et énumérées dans une pétition en ligne [3], les militants d’AnvCop21 Gironde et Extinction Rebellion Bordeaux ont organisé une mise en scène sur la montée des marches de l’escalier du tribunal : au son d’une batucada et d’une fanfare, les prévenus ont grimpé les marches salués par une haie d’honneur formée de militants portant des masques à l’effigie d’élus locaux pro-trafic aérien : Alain Anziani, président de Bordeaux Métropole et maire de Mérignac, et Alain Rousset, président de la région Nouvelle Aquitaine, et tenant panneaux et banderoles demandant la réduction du transport aérien et la reconversion du secteur en concertation avec les salariés.

Procès Aviation de Bordeaux

Crédit photo : Maurice Lafaye

Défendus par Maître Galinat, les 7 militants écologistes se sont rendus à la barre pour expliquer les convictions qui les ont amenés à passer à l’action. Le témoin, Didier Swingedouw, climatologue, a attiré l’attention des juges.

“Nous savons aujourd’hui que le dérèglement climatique est une réalité. Le rapport du GIEC établit l’origine anthropique de ce réchauffement. C’est maintenant qu’il faut réduire drastiquement nos émissions, et plus nous attendrons, moins ce sera possible.” a déclaré Didier Swingedouw, climatologue.

Maître Galinat, avocat, durant l’audience : “Nous ne comptons plus le nombre d’actions judiciaires, d’injonctions du conseil d’Etat, de décisions passées. Nous ne comptons plus le nombre de pétitions, de marches, de manifestations. Nous ne comptons plus le nombre de Conventions citoyennes, de plaidoyers, d’amendements. Six minutes sur le tarmac contre un danger qui nous concerne tous et toutes.”

Le récent jugement, rendu le 3 février dernier par le tribunal administratif de Paris, dans le cadre de “L’Affaire du siècle” porté par Notre affaire à tous, Greenpeace France, Oxfam France et la Fondation Nicolas Hulot, est précisément venu rappeler que l’État est tenu de respecter les objectifs qu’il s’est fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’abandon du projet du Terminal 4 à Roissy, annoncée par Barbara Pompili le 11 février, est par ailleurs un signal fort, montrant que les activistes ont joué un rôle de lanceurs d’alerte sur l’impact du secteur aérien, estimé à 7% des émissions de CO2 de la France, et profondément inégalitaire [4].

Le secteur aérien peine toujours à s’aligner sur une trajectoire de réduction de ces émissions, et les lobbys ont au contraire œuvré à torpiller le projet de loi “climat et résilience” issu des travaux de la Convention Citoyenne pour le Climat. A l’approche des débats en commission spéciale à l’Assemblée nationale, le Réseau action climat a notamment révélé que l’article 37 censé empêcher les extensions d’aéroports est largement inopérant [5] : sur les 10 grands projets d’extensions en France, seuls 2 seraient concernés par le périmètre de la loi (Nantes et Bâle-Mulhouse), mais bénéficient d’exceptions ! De même, l’interdiction des vols courts pour lesquels il existe une alternative en train a vu sa portée réduite à peau de chagrin : les conventionnels demandaient la suppression des trajets faisables en moins de 4h en train, le projet de loi n’a conservé que 2h30, ce qui représente une baisse de seulement 2% des émission des GES des vols métropolitains. Faisant le constat de cette exonération de responsabilité climatique dont bénéficie le secteur aérien, Alternatiba et ANV-COP21 entendent poursuivre la mobilisation.

Marie-Alexandra, prévenue, en clôture de son audience : “Nous sommes intervenus en ce jour du 3 octobre pour une action de désobéissance civile non-violente pour mettre en lumière l’inaction climatique de l’Etat français. Nous avons agi en notre âme et conscience en tant que citoyens et citoyennes.”

Le prochain procès, en lien avec les mobilisations du 3 octobre pour la réduction du trafic aérien, aura lieu le 24 juin au tribunal de Bobigny. Les modalités de l’événement de soutien ont d’ores et déjà été communiquées par les groupes Alternatiba Paris et Action climat Paris, qui entendent montrer que malgré les annonces d’annulation du projet du Terminal 4 à Roissy, le secteur aérien bénéficie toujours d’une large exonération de sa responsabilité climatique.

[1] https://blogs.mediapart.fr/atelier-decologie-politique-de-toulouse/blog/180221/intrusion-de-militants-sur-l-aeroport-de-bordeauxla-note-d-information

[2] https://blogs.mediapart.fr/collectif-icare/blog/170221/pour-une-ethique-de-la-responsabilite-du-secteur-aerien-face-aux-crises-systemiques

[3] https://agir.greenvoice.fr/petitions/stop-a-la-croissance-du-trafic-aerien-a-bordeaux-merignac-1

[4] Etude de BL Evolution publiée en juillet 2020, “Climat, pouvons-nous (encore) prendre l’avion ?”

[5] https://reseauactionclimat.org/extensions-daeroports/

  • 23 février 2021