Le nucléaire : une fausse solution pour le climat !
Ce 11 mars 2021, c’est le dixième anniversaire de la catastrophe nucléaire de Fukushima. L’occasion pour Alternatiba et ANV-COP21 de rappeler que le nucléaire, technologie très dangereuse, fait partie des fausses solutions face à l’urgence climatique.
L’énergie nucléaire fait partie des modes de production d’électricité qui émet peu de gaz à effet de serre, et fait ainsi partie des options technologiques bas carbone comme l’éolien, le solaire ou l’hydraulique. Pourtant, on ne peut pas les mettre sur le même plan : l’énergie nucléaire n’est pas une énergie renouvelable, et elle présente un danger immensément grand en cas de catastrophe… tout en n’étant pas la recette miracle pour réduire les émissions au niveau global pour autant !
L’efficacité limitée de l’énergie nucléaire face au défi de la neutralité carbone
Avec environ 400 réacteurs dans le monde (dont 56 encore en activité en France), l’énergie nucléaire permet actuellement d’éviter seulement 2,5% des émissions de gaz à effet de serre au niveau global. On est donc loin d’une solution miracle pour réduire drastiquement nos émissions, en tout cas avec le parc actuel. Faudrait-il alors prolonger toujours plus longtemps des centrales vieillissantes, développer de nouveaux réacteurs comme l’EPR, et augmenter de manière significative le nombre de réacteurs dans le monde ?
Pour que cette énergie ait un impact plus significatif qui nous permette d’éviter par exemple 10% des émissions mondiales, il faudrait selon le physicien nucléaire Bernard Laponche et l’économiste Benjamin Dessus quatre fois plus de réacteurs en service qu’actuellement, soit la construction de 1200 réacteurs supplémentaires en 20 ans !
Outre les doutes qu’on peut émettre sur les délais suffisamment rapides avec lesquels autant de réacteurs pourraient être construits pour faire face à l’urgence climatique, il s’agit de se poser la question du ratio danger / efficacité climatique.
Car multiplier les réacteurs nucléaires, c’est aussi multiplier les risques de catastrophes nucléaires… dans un monde qui va être de plus en plus mis à l’épreuve par les événements climatiques extrêmes ! (1)
Danger nucléaire et danger climatique
Les catastrophes nucléaires de Tchernobyl en 1986 et Fukushima en 2011 montrent clairement que le nucléaire sûr n’existe pas et que la production d’énergie nucléaire nous expose en permanence au danger d’une contamination radioactive de régions entières et à l’évacuation de centaines de milliers de personnes. Outre les décès et les maladies provoquées par ces catastrophes, il est incontestable que la contamination radioactive a rendu ces territoires évacués inhabitables, encore aujourd’hui.
Ce que nous cherchons à empêcher en luttant contre le dérèglement climatique, à savoir éviter que des régions entières deviennent inhabitables à cause de la montée des eaux, des sécheresses, des vagues de chaleur humide extrêmes, etc., peut ainsi être provoqué également par la contamination radioactive d’accidents nucléaires.
La catastrophe nucléaire de Fukushima a enterré le mythe du “nucléaire sûr” : « un accident nucléaire majeur ne peut être exclu nulle part« , estime d’ailleurs le président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire française (ASN) Pierre-Franck Chevet en 2016.
Mais on peut désormais entendre que face au danger du dérèglement climatique qui serait encore plus important, le risque nucléaire deviendrait plus acceptable. Bien au contraire ! Les événements climatiques extrêmes qui vont être de plus en plus nombreux et de plus en plus intenses à mesure que le réchauffement climatique va s’aggraver, augmentent en même temps le risque de provoquer de nouvelles catastrophes nucléaires à l’avenir.
Le nucléaire de plus en plus dangereux avec le dérèglement climatique
Les centrales nucléaires, qui ont besoin d’être refroidies en permanence, sont construites à proximité des océans, des mers et des cours d’eau afin d’alimenter leurs circuits de refroidissement… ce qui les rend particulièrement exposées aux événements climatiques extrêmes.
C’est ainsi que, lors de la tempête Martin en décembre 1999, des vagues d’une hauteur inattendue ont submergé les digues de protection et inondé la centrale nucléaire de Blaye, construite au bord de l’estuaire de la Gironde à côté de Bordeaux (2). L’inondation a mis hors-service une partie des pompes nécessaires au refroidissement des réacteurs. Selon l’IRSN, une défaillance du système de refroidissement aurait pu entraîner la fusion du cœur du réacteur au bout de 10 heures seulement (3). Les interventions auraient été d’autant plus compliquées à mener que la voie de communication jusqu’à la centrale était coupée elle aussi par l’inondation. Heureusement, le refroidissement a pu être assuré par une partie des pompes encore en service, contrairement à ce qui se passera une dizaine d’années plus tard à Fukushima. Mais à Blaye comme à Fukushima, les digues de protection construites pour éviter ce scénario se sont avérées trop basses… ou les vagues se sont avérées plus hautes que prévu !
La tempête Martin de 1999 était considérée comme exceptionnelle, mais avec le dérèglement climatique, les événements exceptionnels deviennent malheureusement la norme. Nous entrons dans l’ère des événements climatiques extrêmes, alors que 400 réacteurs nucléaires sont encore en activité, tous construits à proximité de cours d’eau, de mers ou d’océans, et conçus à une époque où les risques du dérèglement climatique n’étaient pas pris en compte comme ils doivent l’être désormais.
Qu’adviendra-t-il de ces centrales nucléaires quand les tempêtes deviendront de plus en plus fréquentes et intenses ? Vont-elles toutes résister ? Quid des centrales le long de nos cours d’eau qui eux se réchauffent, ou s’assèchent même, et dont le refroidissement pose déjà problème ?
De la même manière, les incendies de plus en plus gigantesques, qu’aucune technologie actuelle ne nous permet de maîtriser, pourraient également se produire à l’avenir sur des territoires où fonctionnent des centrales nucléaires.
Avec la multiplication et l’intensification des événements climatiques extrêmes, les scénarios catastrophe possibles sont de plus en plus nombreux. Loin de justifier la poursuite du nucléaire, le dérèglement climatique apporte au contraire une raison supplémentaire de sortir de cette énergie dangereuse, et fait apparaître cette énergie comme la technologie bas-carbone la plus inadaptée au monde qui nous attend dans les prochaines décennies.
D’autres questions méritent d’être mises en débat sur le nucléaire : son coût, la sécurité vis-à-vis des possibles négligences humaines ou actes malveillants, la gestion des déchets, l’extraction de l’uranium et l’impact sur les populations d’autres pays, etc. Greenpeace a publié un document détaillé mettant en évidence les multiples problèmes liés au nucléaire.
Les vraies solutions pour relever le défi climatique passent par un changement de système !
Les énergies renouvelables ne sont cependant pas une solution miracle non plus. Même si elles ne présentent pas du tout le même danger en cas d’accident, elles ont également une empreinte écologique qui n’est pas à négliger, et elles ne pourront pas suffire à remplacer toute l’énergie actuellement produite par les énergies fossiles et l’énergie nucléaire.
C’est la raison pour laquelle Alternatiba et ANV-COP21 estiment qu’il ne faut précisément pas chercher à remplacer toute l’énergie actuellement produite, mais au contraire faire des choix et réorganiser notre société autour de la sobriété et de l’efficacité énergétique, afin de réduire notre production et notre consommation d’énergie.
Les chantiers sont multiples et enthousiasmants :
- développer un plan massif de rénovation énergétique des bâtiments, qui doit pouvoir sortir les millions de personnes actuellement confrontées à la précarité énergétique des “passoires énergétiques” dans lesquelles elles souffrent autant du froid l’hiver que de la chaleur l’été
- interdire les écrans publicitaires numériques qui gaspillent de l’électricité tout en polluant l’espace public et nos esprits
- réguler notre empreinte numérique et organiser des débats de société sur des sujets comme la 5G au lieu de poursuivre une croissance irréfléchie du secteur du numérique qui émet de plus en plus d’émissions
- développer des appareils électroménagers beaucoup plus économes en électricité
- interdire l’obsolescence programmée et développer le secteur de la réparation pour sortir du modèle destructeur extraire-produire-consommer-jeter
- changer radicalement nos moyens de transports et notre rapport à la mobilité autour des transports en commun et des mobilités actives (vélo et marche à pied)
- transformer radicalement notre modèle agricole autour de l’agriculture paysanne et biologique qui contribuent nettement moins aux émissions que l’agriculture industrielle
- relocaliser l’économie pour éviter les transports incessants de marchandises tout autour de la planète
- etc.
Une vision de la sobriété au niveau matériel qui ne nous empêche pas d’imaginer un monde bien plus désirable et socialement beaucoup plus juste, basé sur davantage de liens humains plutôt que sur la consommation de toujours plus de biens, sur le tourisme local et la revitalisation de la culture et des espaces de partage et de convivialité dans nos territoires plutôt que la poursuite d’un imaginaire consumériste du voyage à l’autre bout du monde en avion, la revalorisation de métiers ancrés dans les territoires qui ont du sens pour la collectivité autour des activités agricoles, de la réparation, de l’artisanat, des services à la personne, etc. Une société plus économe en énergie peut tout à fait être une société plus conviviale et plus épanouie, à condition que cette transformation profonde se fasse de manière démocratique, en organisant de vrais débats de société.
Alternatiba et ANV-COP21 invitent en ce sens à lire des documents comme :
- le rapport de B&L évolution qui pose clairement l’ampleur du défi à relever au niveau de la sobriété pour respecter notre engagement à rester sous le seuil de 1,5°C de réchauffement climatique
- le recueil Et Si dans lequel artistes et intellectuel·les dessinent à quoi pourrait ressembler le monde écologique, solidaire et convivial de demain
- le Pacte pour la transition qui liste des mesures que les collectivités territoriales peuvent mettre en place dès maintenant pour enclencher la métamorphose de nos territoires, par exemple au travers de la campagne Alternatives Territoriales
- les scénarios de transition énergétique qui nous permettent de sortir à la fois des énergies fossiles et du nucléaire tels que celui de l’association négaWatt ou celui de l’ADEME.
- Les propositions de la Convention Citoyenne pour le climat qui montrent que les citoyennes et citoyens, dès lors qu’on leur permet de consacrer du temps à décortiquer un sujet aussi complexe que celui du changement climatique, aboutissent avec consensus à la conclusion de l’urgence dans laquelle nous nous trouvons et de la nécessité de prendre des mesures ambitieuses.
Et pour sortir des énergies fossiles mais aussi du nucléaire sans plus attendre, vous pouvez dès aujourd’hui vous approvisionner en électricité auprès d’Enercoop, coopérative qui fournit une électricité 100% renouvelable et réinvestit ses bénéfices dans le développement de nouvelles unités de production d’énergies renouvelables, et soutenir Énergie Partagée qui permet le financement citoyen de projets d’énergies renouvelables !
(1) Voir leur tribune “Non, le nucléaire ne sauvera pas le climat !” publiée en octobre 2018 sur Alternatives Économiques
(2) Voir le reportage du journal télévisé de France 3 du 5 janvier 2000 (archive INA) et l’article de Sud-Ouest du 9 février 2011 La centrale nucléaire du Blayais sauvée des eaux ?
(3) Voir l’article de Wikipedia Inondation de la centrale nucléaire du Blayais en 1999
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- 11 mars 2021