Lutte contre l’évasion fiscale : les Faucheurs de chaises
La campagne des Faucheurs de chaises s’est déroulée de 2015 à 2017. Cette campagne de mobilisation et de désobéissance civile visait à dénoncer les acteurs du scandale de l’évasion fiscale et le manque de financement de la transition sociale et écologique.
Le 12 février 2015, au lendemain du scandale des Swissleaks, plusieurs militant·es de Bizi !, organisation altermondialiste basque, se rendent dans les locaux de la banque HSBC de Bayonne, impliquée dans un scandale d’évasion fiscale, pour y réquisitionner les chaises des banquiers. Le message est simple : « Rendez l’argent, nous rendrons les chaises ! ». La police réplique immédiatement, les médias s’en saisissent. La campagne des Faucheurs de chaises est née.
L’argent pour le climat existe : il est dans les paradis fiscaux !
À l’aube de la COP21, alors que le dérèglement climatique impacte déjà des millions de personnes et qu’il menace les conditions mêmes d’une vie civilisée sur Terre, les 196 pays membres des Nations unies sont incapables de trouver 100 milliards d’euros par an pour alimenter le Fonds vert pour le climat. Pourtant, l’argent pour le climat existe : il est dans les paradis fiscaux ! Ce sera le message principal de la campagne.
Le 30 septembre 2015 est lancé un appel à réquisitionner 196 chaises partout sur le territoire dans les banques telles que BNP Paribas et HSBC qui pratiquent et organisent le système d’évasion fiscale. Menée par les Amis de la Terre, ANV-COP21, ATTAC, et Bizi ! et soutenue par de nombreuses personnalités publiques et organisations, la campagne porte sur trois enjeux :
- lutter contre l’évasion fiscale
- financer la transition écologique et sociale
- mettre fin au soutien des banques aux énergies fossiles
Les 196 chaises réquisitionnées, soit autant que de parties siégeant à l’ONU, permettent d’organiser un grand « Sommet citoyen pour le financement de la transition écologique et sociale » pendant la COP21 en présence de 2 000 citoyen·nes dont de nombreuses personnalités internationales parmi lesquelles Vandana Shiva et Bill McKibben.
La COP21 passée, les convocations et gardes à vue se multiplient pour les Faucheurs et Faucheuses de chaises passé·es à l’action partout sur le territoire.
Le 8 février 2016, 200 citoyen·nes remettent symboliquement ces chaises à la justice, les déposant à proximité du Palais de justice de Paris où s’ouvre le procès de Jérôme Cahuzac, alors ministre de l’Économie et des Finances. Les Faucheurs de chaises rappellent alors qu’il ne s’agit pas seulement de juger un homme, mais que c’est le procès de l’évasion fiscale qu’il faut faire.
2 000 personnes passent à la désobéissance civile
L’évasion fiscale coûte chaque année entre 60 et 80 milliards d’euros en France. Ces sommes astronomiques manquent aux finances publiques et nous privent de moyens pour financer écoles, crèches, transports publics, logements, centres d’accueil, hôpitaux, justice etc. Nous avons besoin de cet argent pour engager sans plus tarder la transition vers une société socialement juste, créatrice d’emplois et écologiquement soutenable.
Dans une seconde phase de campagne, les Faucheurs font le siège des banques qui pratiquent l’évasion fiscale en y organisant toutes sortes de scènes : crèche, salle de classe, radio pirate, hôpital… Autant d’actions non-violentes, originales et humoristiques témoignant des finances qui manquent aux caisses de l’État et qui maintiennent la pression et l’attention médiatique.
En 2015, des centaines de citoyen·nes réquisitionnent des chaises partout en France dans des banques pour dénoncer leur rôle dans le système de l’évasion fiscale. Ainsi, plus de 2 000 personnes mènent 40 actions en plein jour, de manière non-violente et à visage découvert. La campagne des Faucheurs de chaises permet au réseau ANV-COP21 de multiplier les groupes locaux et de se déployer.
Un procès qui se retourne contre la BNP
Dans le cadre de la campagne, trois militant·es sont poursuivi·es pour “vol en réunion” suite à des plaintes de la BNP-Paribas. Le premier est celui de Jon Palais, militant Bizi ! et ANV-COP21. Il a lieu à Dax le 9 janvier 2017 et il attire plus de 2 000 personnes venues faire de ce procès celui de l’évasion fiscale. « Ce n’est pas les Faucheurs de chaises qu’il faut juger, mais l’évasion fiscale en bande organisée ! ». Plusieurs candidat·es à la présidentielle sont également là, ainsi que de nombreux médias locaux et nationaux.
Jon Palais est défendu par Eva Joly et sa fille Caroline. L’absence de la BNP, pourtant plaignante, est remarquée lors du procès, y compris par le procureur de la République. Le 23 janvier, Jon Palais est relaxé, c’est une superbe victoire de la mobilisation citoyenne face aux coupables de l’évasion fiscale.
Florent Compain, président des Amis de la Terre, est également jugé le 11 avril 2017 et condamné en juin à 500 euros d’amende sans sursis. Nicole Briend, militante d’Attac et ancienne directrice d’école, est, elle, relaxée à Carpentras en juin 2018. Chacun de ces procès est l’occasion d’une importante mobilisation et permet d’amplifier le message politique.
La campagne des Faucheurs de chaises a mis au cœur du débat public la responsabilité des banques qui organisent le système d’évasion fiscale et les impacts écologiques et sociaux occasionnés. Elle a aussi permis dans le même temps de construire un réseau fort de groupes locaux prêts à se mobiliser de manière réactive et à désobéir partout sur le territoire pour la justice climatique.