Climat : 11 décrocheur·ses de portraits en Cour européenne des droits de l’homme
Strasbourg, septembre 2022. Après un passage par toutes les strates de l’ordre judiciaire français, l’affaire des décrochages de portraits du président Macron s’invite à la Cour européenne des droits de l’homme. Onze activistes climat du mouvement Action non-violente COP21 condamné·es par les cours d’appel de Paris, Colmar et Grenoble, et n’ayant pas obtenu gain de cause en Cour de cassation, saisissent l’instance européenne. L’objet de la requête : l’atteinte à la liberté d’expression que constitue la répression contre les décrocheur·ses, alors que leur action était motivée par un message d’intérêt général sur l’urgence climatique.
Nouvel épisode de la saga des décrocheur·ses
Cette étape marque un nouveau tournant dans la campagne des décrochages de portraits présidentiels par des activistes climat. Plus de 2 000 personnes avaient participé à ces actions de désobéissance civile consistant à entrer dans les mairies pour en décrocher le portrait du président de la République, et laisser symboliquement un mur aussi vide que sa politique climatique. Les portraits décrochés avaient ensuite été utilisés lors de mobilisations rassemblant des milliers de personnes (marche climat, actions contre la pollution de l’air, marche des portraits en marge du G7 de Biarritz…) pour « montrer au président de la République les impacts déjà palpables du dérèglement climatique dans notre pays et l’indignation citoyenne face à une telle inaction ».
Sur les 88 citoyennes et citoyens poursuivis dans 56 procès pour vol en réunion, neuf relaxes ont été prononcées, dont une pour « état de nécessité” qui a eu un grand retentissement dans la sphère juridique. Aujourd’hui, 11 activistes de Paris, Valence et Strasbourg : Pauline, Etienne, Emma, Marion, Cécile, Félix, Léa, Lucie, Anne-Marie, Christine et Charles, accompagnés par Me Ronald Maman, Me Paul Mathonnet et Me Grégory Thuan Dit Dieudonné, saisissent la Cour européenne des droits de l’homme pour violation par l’État français de l’article 10 de la Convention.
Enjeu : légitimer le fond et la forme
Les avocats entendent bien faire entendre la légitimité des actions des activistes climat. Pour condamner les décrocheur·ses et donc restreindre leur liberté d’expression, les tribunaux doivent justifier d’un “besoin social impérieux”. Or ni les cours d’appel ni la Cour de cassation n’ont employé des arguments pertinents et suffisants. La réalité de l’urgence climatique n’est plus à démontrer, et n’est d’ailleurs pas remise en cause par les cours. Les manquements de l’État face à l’urgence climatique ont été reconnus dans plusieurs jugements, et l’État a été depuis condamné pour inaction climatique lors de l’Affaire du siècle et via le recours de Grande-Synthe. Les actions de décrochage, menées à visage découvert et dans la non-violence, ont sans conteste contribué à ce débat de société d’intérêt général. Quant au préjudice pour les mairies et au trouble à l’ordre public, ils sont négligeables.
Pour Charles Thonon, décrocheur strasbourgeois : « la répression que nous subissons ne se limite pas aux amendes ; elle s’étend aux gardes à vue, perquisitions, prise d’empreinte ADN, et acharnement judiciaire puisque le parquet fait systématiquement appel quand nous sommes relaxé·es en première instance. Cette débauche de moyens répressifs n’a visiblement pas pour but de restaurer l’ordre public, car pour cela il serait plus utile d’agir face au dérèglement climatique. Ici, il s’agit plutôt de dissuader toute action de contestation de l’action gouvernementale, par nous ou par d’autres. C’est donc bien une atteinte à la liberté d’expression ! »
Les avocats des décrocheur·ses ont déposé à la fin de l’été leurs requêtes à la Cour européenne des droits de l’homme, qui vient de les enregistrer formellement. Dans quelques mois, la CEDH communiquera en principe ces requêtes au gouvernement français, ouvrant une phase de négociation éventuelle et pour obtenir des réponses écrites à ses questions en cas d’échec des pourparlers. La procédure peut ensuite s’étendre sur deux ans avant une décision de la Cour. Un délai qui semble bien long au regard de l’urgence climatique.
En attendant, le mouvement Action non-violente COP21 continue à se mobiliser. « Alors que la crise énergétique va mettre en exergue la procrastination du gouvernement à prendre des mesures concrètes pour financer un grand plan de rénovation des logements et à développer les énergies renouvelables, que la crise sociale et environnementale s’intensifie, nous continuerons à mener des actions pour la justice climatique » ajoute Pauline Boyer, décrocheuse de Paris.
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- 5 octobre 2022